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LE VOYAGE LE PLUS LONG

Publié le 4 Avril 2014 par JFDM

LE VOYAGE LE PLUS LONG

 

Peut-être un simple exercice littéraire.

Peut-être aussi, une notion allègre et sereine du passage d’une vie connue à  une vie inconnue.

En tous les cas, voici l’exposé de ce rêve étrange, mais tellement précis, que j’ai fait tout récemment. Au point de pouvoir en relater tous les termes.

Sous forme d’un journal de bord, une  traversée entre deux mondes, conforme  à ce que j’ai toujours véhiculé en fait. Toute la partie onirique est en italiques – le lien avec le réel sautant aux yeux malgré tout , d’ailleurs sans aucune notion de tristesse…

 

THE DREAM

« Programmer son départ de la vie n’est pas si simple. Cela suppose de l’élégance, de la légèreté, des intentions précises, et surtout une forte connexion avec tout ce qui a précédé.

La tranche 21 / 59 arrive bientôt à son terme. Au-delà, tout semble terne, déjà vu, moins fort, et surtout très aléatoire pour un Nomade : seuls les sédentaires s’imaginent que la vieillesse est un luxe. Malgré l’amitié, l’amour, ou la solidarité qui se manifestent çà et là.

Voici donc quelques notes préliminaires à la préparation de ce voyage, sous forme d’un Journal de Bord, tel celui qu’on retrouverait sur un Vaisseau Fantôme.

28 février de l’an 2014

Départ du petit nid de Nacera et Nadia, France, pourtant si doux et si chaleureux – mais rendu insupportable par mes brumes ténébreuses -… moi qui aime tant les Fées pourtant…

17 mars

Engoncé dans l’accueillante solitude des forêts de Creuse, France, je ne vois pas le temps passer. Les jours s’écoulent paisiblement entre pluies et éclaircies, je ne réfléchis à rien.

21 mars

Après quelques jours en compagnie de Sylvie, qui m’accueille toujours les bras ouverts en ces lieux où elle a de longues années vécu avec mon défunt frérot Patrick, je vais passer quelques jours chez le Doc – mon frangin -, qui a mis à ma disposition sa cabine téléphonique intertemporelle ainsi que sa grande affection. La Dordogne et le Périgord, terres chargées d’histoire depuis le Néolithique jusqu’au Moyen-Age, étant de fort beaux lieux.

29 mars

Me voici de retour dans la Creuse, France, pour l’anniversaire de Stalinette, qui fête ses 70 ans. Nous rions de tout, et surtout de nous. Les chiens et les chats saluent mon retour à leur façon.

02 avril

De nouveau en solo depuis quelques jours. Sur France-Culture, en fond musical, les violons de Prokofieff accompagnent le ruissellement de la pluie, bientôt suivis d’une Symphonie mélancolique de Chostakovitch. J’adore ses gouttelettes harmoniques.

03 avril

Mon cerveau fonctionne tout seul depuis quelques jours. Je viens de terminer un roman de Philip K. Dick ( certes de culture mormone, mais quel génie ! Je suis un « adickted », en fait ), intitulé : « Les clans de la Lune Alphane ». Ce roman hallucinant – pourtant ça fait un bail que j’ai  pas pris d’acide – traite d’une Lune dans un système solaire isolé, sur laquelle ont été abandonnés des malades mentaux de toute nature, lesquels ont réussi à survivre en bâtissant une société sous formes de clans non antagonistes. On y trouve les « Pare » ( paranoïaques ), les « Mans » ( maniaques dominants ), les « Sim » ( simulateurs ), les « Dep » ( dépressifs ), les « Ob-Com » ( obsessionnels compulsifs ), les « Heeb » ( hébéphrènes ), les « Poly » ( naviguant entre toutes ces tendances ).

Bon, on a tous un peu de ça… Rien à voir avec Sigmund ou Jung.  Impossible, en lisant ce bouquin, qu’à un moment ou à un autre vous ne vous sentiez pas concerné ! On est tous des dingos, et c’est le sel de la vie.

04 avril

Je suis en train d’écrire. Le temps est pourri. Les chiens tournent autour de moi, ils ne veulent pas sortir. Ils ne comprennent pas que j’écrive, et encore moins POURQUOI  j’écris. Moi non plus d’ailleurs. Chacun son trip. Les chats réclament encore à bouffer, mais ça suffa comme ci.

08 avril

Je repense au scenario de la « Desaparecion ». Ayant peu de ressources en ce moment, pas question d’aller s’évaporer en Patagonie chilienne – d’ailleurs, je l’aurais déjà fait  -, ni dans les brasiers de Varanasi au bord du Gange, ni dans les flots attirants du Pacifico à Mazunte ( Mexique ), ni de partir dans la brousse comme le font les vieux Dogon au Mali. Je m’endords en paix.

19 avril

J’ai vérifié quelques hypothèses jouables via Internet, au vu de mes possibilités. J’ai retenu les options suivantes :

  1. La forêt de Brocéliande, et le Lac de Viviane. Avec une dernière belle randonnée de 15 km vers « Val sans retour ». Pas mal.

  2. Les ferries des compagnies Tallink Silja ( moins cher ) ou Viking Line, entre Turku et Stockholm, trajet de nuit.

  3. Prendre un canoë dans la région des Lacs de Savonlinna, Finlande, avec dernier sauna sur une petite île bien sûr.

Toutes ces idées sont alléchantes et conformes à ma notion de « passage ». Il faudra voir sur place comment se fournir en petit matériel : chaîne et poids ( pour attacher aux pieds, avec cadenas ), somnifères puissants pour échapper à la sensation glacée des eaux de la Baltique, et autres fournitures de type définitif pour en finir avec cette séquence terrienne.

28 avril

Je suis libéré de mes obligations vis-à-vis de Sylvie, je quitte la Creuse vers Rennes et la forêt de Brocéliande.

03 mai

Apparemment toujours là, je repasse en région parisienne avant de prendre un train pour Stockholm via Bruxelles, direction la Finlande.

Le journal s’arrête là, et le timing du rêve également. »

 

LE REVEIL

Nous sommes le matin du 04 avril de l’an 2014. Comme chaque jour, je me lève vers 08.30, je descends les escaliers, les chiens sont fous de joie ( je ne sais pas pourquoi, à part la bouffe que je leur prodigue ).

C’est bientôt le week-end. Une fois pris le café et alimenté les animaux, je vais allumer mon PC pour voir s’il y a des suites aux multiples candidatures que j’ai récemment déposées dans ce secteur géographique, dans le Périgord, en Lozère, et en Colombie. En fait, ça a cessé de m’intéresser, même si  je suis toujours disponible et prêt à jaillir.

Je passe dans la salle de bains. Dans la glace, je reconnais avec plaisir l’éclat de mes yeux verts mordorés pailletés d’or. Mais je constate également  la marque du temps sur mes traits. Nous sommes en 2014. Le compte à rebours a commencé.

Je mets la radio : aussi incroyable que cela puisse paraître, c’est un morceau de Chostakovitch. En passant dans le salon, je me rends compte avec stupeur qu’une petite sacoche se trouve sur la table. A l’intérieur se trouvent quelques objets tels une griffe de puma , un petit flacon d’Azzaro – sans doute pour apprivoiser Ishtar -, une photo de la petite Nadia, avec ses yeux si purs, - sans doute aussi pour échanger des choses de la vie avec d’autres entités, comme en 1916 dans les tranchées -.

En me tâtant machinalement, car je rêve encore à moitié, je constate que j’ai toujours une belle chambre froide répartie dans deux couilles, ce qui me servira certainement lorsque je croiserai l’une des Walkyries qui m’accueillera.

Une chose est sûre : c’est maintenant que je dois payer le prix de l’insouciance, par définition hors durée. Car je ne tiens pas à vieillir. La vie a été trop belle.

Ceci étant, aucun futur n’est écrit… Pas vrai, Doctor Who ?

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